La voie du MANOIRS en peinture.
Témoignage d’un bohémien travaillant au service du MANOIRS©.

@manoirserie

— Une épopée chevaleresque dans les Ténèbres.

Voici comment tout a commencé : je suis entré à l’âge de 19 ans comme apprenti dans l’atelier du Maître Flamand José GILI. J’ai appris la technique du glacis à l’huile en réalisant des copies de maîtres. Je me suis très vite orienté vers le mouvement des Romantiques du XIXe siècle, les paysagistes anglais, et plus précisément vers le peintre Joseph Mallord William Turner.

Lorsque mon maître venait me voir travailler, il avait une façon très particulière de m’enseigner la peinture : par énigme. Il me disait « Mets de la lumière » et il repartait. Je m’efforçais donc naturellement d’éclaircir ma palette. Lorsqu’il revenait, il me disait la même chose… Au bout d’un moment, ne comprenant pas, je détruis le tableau en le recouvrant de noir. En voyant ce que je venais de faire, mon maître me dit :" Ah ! Eh bien voilà, quand tu veux, tu mets de la lumière. "

J’avais compris que le noir est au service de la lumière : plus un tableau est sombre, plus il peut être lumineux.

Lionel PERBET
Pêcheurs en mer - Nocturne
Huile sur Toile : 65x50 cm. Année : 2003

 

Au bout de quelques années, j’ai entamé une réflexion sur la manière de moderniser ma peinture, sur comment ancrer le fruit de mon travail, inspiré par la lumière des Romantiques du XIXe siècle, dans le XXIe siècle.

Je suis parti d’un constat simple :
Ce qui m’intéresse en peinture, c’est la recherche et le travail de la lumière. C’est ainsi que je me suis tourné naturellement vers le noir pour trouver cette nouvelle lumière.

C’est ainsi que je découvris les travaux de Pierre Soulages, qui, bien avant moi, s’était déjà interrogé sur cette notion de lumière dans le noir en peinture. Je décidai donc de mettre de côté ce que je connaissais et maîtrisais en peinture, afin de formuler ma propre patine, dans le but de suivre les traces de Soulages en réalisant, comme lui, des Outre-Noir. Avec cette patine, j’explorais différentes profondeurs de noir ainsi que la matité de la matière par un travail de ferrage.

Lionel PERBET
Vitrail noir - Hommage à Notre-Dame après l’incendie.
Matière noire sur bois : 73x85 cm. Année : 2019

 

Ma volonté initiale était de moderniser ma peinture. Au lieu de cela, les premiers Outre-Noir avaient l’aspect de murs antiques, provenant de je ne sais quel temple de l’ancienne Égypte. Face à ce constat surprenant, je n’allais pas lutter. Mektoub, mes premières tentatives se sont révélées être des peintures modernes vieilles de plus de 4000 ans !

À la suite des premiers résultats, j’ai souhaité réitérer l’expérience en reformulant une nouvelle patine, de laquelle est née une nouvelle peinture. La trouvant insatisfaisante, je l’ai détruite. Suite à cela, le résultat était intéressant ; son aspect de surface brute, monolithique et opaque m’inspira. Je l’ai donc préservée telle quelle, tout en me disant : « On ne la ramasserait pas par terre, mais elle est exposable ! »

Lionel PERBET
Diamant noir — Lumière naturelle
Matière noire sur bois : 38x46 cm. Année : 2019

 

À l’époque, j’avais l’idée d’exposer ces étranges monochromes noirs sur des murs noirs, éclairés à la lumière noire. Ce détail est très important pour la suite de l’histoire…

Il faut toujours garder son âme d’enfant, surtout dans un processus créatif. C’est elle qui m’a guidé à me procurer une lumière noire, simplement parce qu’il y avait le mot « noir » associé à celle de la lumière !

Et c’est en braquant cette lumière noire sur ce monochrome détruit que je découvris un passage rempli de lumière, que je décidai d’emprunter. C’est ainsi que je passai derrière le miroir d’Alice et découvris par accident une autre dimension dans les noirs.

Lionel PERBET
Diamant noir — Lumière noire
Matière noire sur bois : 38x46 cm. Année : 2019

C’est un peu à l’image de Christophe Colomb, pensant avoir trouvé un raccourci vers les Indes tout en posant le pied sur un nouveau continent. À présent, il fallait que je maîtrise cet accident, cette réaction chimique, ce cheval sauvage, cette sérendipité du noir, née d’une erreur de dosage dans ma cuisine du Diable. Un gramme de plus ou de moins dans ma formulation, et le monochrome serait resté muré dans les ténèbres, les portes seraient restées closes.

Après plusieurs tentatives basées sur cette erreur de dosage, je réécris la formule et réussis à rouvrir les portes du temple. C’est ainsi que naquit cette Vierge Noire, apparaissant fantomatiquement, telle une lumière éclairant les ténèbres.

Lionel PERBET
Vierge noire — Scénographie
Matière noire sur bois : 38x46 cm. Année : 2019

 

Techniquement, cette Vierge Noire n’existe pas, puisqu’il n’y a qu’un seul pigment : le noir.
À partir de là, je quittai le sillage de Soulages pour créer ma propre voie en peinture, celle du MANOIRS.

Une idée nouvelle fit son apparition : celle d’une quête mystique dans les ténèbres pour y apporter la lumière. Cela me fait penser au psychanalyste suisse C.G. Jung, qui disait au sujet de la lumière : " Pour devenir lumineux, il ne suffit pas de se tourner bêtement vers elle ; bien au contraire, c’est en allant l’apporter là où il n’y en a pas ! "

Après avoir trouvé la lumière dans les ténèbres, je viens maintenant de découvrir la couleur dans le noir.

C’est ainsi, avec ces deux nouvelles facettes et ces deux nouvelles façons de faire et de voir la peinture, que je m’amusai à refaire mes œuvres de jeunesse.

Lionel PERBET
Fisherman at the sea — Scénographie
Huile sur papier : 46x31 cm. Année : 2022

 

Cette démarche en peinture est à l’image de la conquête spatiale ou de celle de l’univers, toujours en expansion sur le plan technique.

Cette épopée chevaleresque est une aventure à la Jules Verne : un voyage derrière la face cachée de la Lune, qui débuta il y a plus de vingt ans en peinture. Et lorsque ma peinture refit surface de l’autre côté de la face cachée, elle était transformée, transmutée, métamorphosée. Ce ne sont plus des peintures, mais des MANOIRS©, des cryptides vivants dans l’ombre des projecteurs du monde de l’art.

 

Je suis fier d’avoir réussi à ramener cette lumière héritée des Romantiques du XIXe siècle pour l’intégrer au XXIe siècle. Mes MANOIRS© délivrent un message plein d’espoir dans cette époque sombre :
“Même dans les plus profonds des ténèbres, il est possible de trouver la lumière.”
Mes MANOIRS© en sont les témoins, accrochés aux murs.

 

Pierre Soulages disait au sujet de l’art : "Elle est la discipline qui mérite qu’on y consacre sa vie. Moi, je ne consacre pas ma vie à l’art, je la consacre à bâtir un MANOIRS©.

 

Longue vie aux MANOIRS©.

Sic Luceat Lux.